Les chroniques de Nolwenn
Nom du père, nom de la mère ou le double nom : que dit la loi ?

1 juillet 2021

NDLR : article écrit avant la loi du 2 mars 2022.

Le collectif « Porte mon nom » a déposé début juin 2021 une proposition de décret au garde des sceaux demandant l’automatisation du double nom de famille à la naissance. Une pétition est en ligne, la demande est soutenue par un député et a été largement relayée par les médias. Pourquoi une telle demande ? Que dit la loi et pourquoi aurait-elle besoin d’être modifiée ? On fait le point sur la question.

Traditionnellement, c’était le nom du père qui était transmis aux enfants. Ne parlait-on pas d’ailleurs de « patronyme » (terme qui a disparu de la loi en 2002) ?… La tradition veut également que, lors d’un mariage, l’épouse adopte le nom de son mari à titre d’usage (alors que le mari peut également porter le nom de son épouse à titre d’usage). Les traditions ont la vie dure et celles-ci ne dérogent pas à la règle : en France, 8 enfants sur 10 portent le seul nom de leur père. La loi pourtant offre d’autres options…

Depuis 2002, le nom de famille est un questionnaire à choix multiple

La loi du 4 mars 2002 a donc évincé l’expression « nom patronymique » pour lui préférer la formule « nom de famille ». Elle a également ouvert les possibilités permettant aux parents d’opter, à la naissance du premier enfant, pour le nom du père, le nom de la mère ou pour les deux noms accolés, dans l’ordre de leur choix. Cette décision fixe le nom de famille : les enfants à venir de la même union devront porter le même nom. En cas de désaccord, c’était le nom du père qui prévalait ; depuis la loi Taubira du 17 mai 2013, les deux noms sont accolés dans l’ordre alphabétique.

Mais dans les faits, le double-nom est encore rare : cela concerne moins de 15% des enfants nés en 2019, et c’est le nom du père qui est encore très majoritairement transmis, seul. Manque d’information pour les uns, non remise en question d’une tradition multiséculaire pour les autres : beaucoup n’y voient aucun inconvénient. Et même si cela ne pose aucun problème pour la plupart des parents et des enfants, le collectif « Porte mon nom » dénonce des situations – heureusement rares – que la loi n’avait pas anticipées. Témoignages à l’appui, il semblerait que les mères ne décident pas toujours du nom (et même du prénom) que leur compagnon ou mari déclare à l’état civil. Or, il est un fait en France que l’état civil revêt un caractère « sacré » : on parle d’immutabilité de l’état civil et il est effectivement très difficile, voire impossible de revenir sur les noms déclarés, à moins d’avoir un intérêt légitime à le faire.

Nom de famille et nom d’usage

Ne revenons pas sur le fait que si le père ne déclare pas le prénom et le nom sur lesquels il s’était entendu avec la mère, cela n’augure rien de bon pour la suite de leur histoire… Concrètement, ne pas porter le même nom que son enfant peut s’avérer être un problème qu’on n’avait pas anticipé, et parfois même créer des situations compliquées. Lors d’un voyage, pour l’inscription à l’école, au club de sport ou en cas d’hospitalisation, le parent se verra plus volontiers demander de produire le livret de famille.

Aujourd’hui, la loi ne permet pas de changer le nom de famille d’un mineur une fois qu’il est enregistré à l’état civil et que la filiation de l’enfant à l’égard de ses deux parents est établie, sauf à passer par la procédure de changement de nom. Il est toutefois possible d’accoler le nom de celui des parents qui n’a pas transmis son nom (généralement la mère) à titre d’usage au nom de famille de l’enfant. Cette demande, relevant des actes non usuels, doit toutefois recueillir l’accord de l’autre parent qui partage l’autorité parentale. C’est un des points que le collectif veut combattre. Car, dans des cas de séparation très conflictuels, certains peuvent refuser cet ajout et le nom d’usage peut devenir un point de crispation, voire de négociation.

Par ailleurs, dans les situations de violences intrafamiliales, les victimes sont contraintes de porter le nom de l’auteur des violences ou la mère d’accepter que leurs enfants le portent. L’enfant pourra certes faire une demande de changement de nom, mais seulement à sa majorité sur le fondement de l’intérêt légitime.

Renverser la situation

Le décret proposé veut donc renverser la situation en instaurant le double nom par défaut tout en laissant la possibilité de préférer de ne garder qu’un seul nom, moyennant quelques démarches. Le collectif souhaite également qu’il soit possible de rajouter le nom de naissance de la mère en nom d’usage aux enfants, accolé à celui du père sans l’autorisation de celui-ci. Il demande enfin que la mère puisse valider la déclaration des prénoms et noms à la naissance. “Notre souhait est que l’enfant, à sa majorité, puisse choisir le nom qu’il porte : soit le double nom, dans l’ordre qu’il désire, soit celui du père, soit celui de la mère“, conclut Marine Gatineau Dupré, la porte-parole de « Porte mon nom ». Et pour ceux qui s’’inquiètent des noms à rallonge sur plusieurs générations, qu’ils se rassurent, la loi prévoit déjà qu’un seul des noms accolés puisse être transmis en filiation. Il y aura un choix à faire, mais qui relèvera de la liberté de l’enfant devenu grand.

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Le droit de la famille autrement

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